The Green Hornet
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- Critique par Nicolas Bonci le 26 janvier 2011
Frelon populaire
A l'image de son effet rustique favori, Gondry enquille les projets à l'envers. Le cinéaste n'entama-t-il pas sa carrière dans le long-métrage par une étude comparée de la nature humaine ? Avant de s'intéresser successivement aux souvenirs (et à leur gestion), aux rêves (et à leur gestion) et enfin aux films (ainsi qu'à leur… gestion dans l'inconscient collectif).
Fatalement, la prochaine étape ne pouvait être que l'élaboration d'un film "classique", loin de toute velléité post-moderne, aussi ludique soit-elle, tout en se débarrassant de sa tendance control freak qu'une coolitude visuelle tenait à effacer aux yeux de son public, mais indispensable chez tout bon metteur en scène.
C'est ainsi que l'on retrouve le père Michel les mains dans le cambouis d'une prod de ce gros ringard de Neal H. Moritz, apôtre du blockbuster gras, con, et con (l'anthologie Fast And Furious, Furtif, S.W.A.T. Unité D'Élite, Torque… Bref, z'avez saisi le topo), mais aussi du véhicule à stars, ce qu'est ce Green Hornet. Initié, développé, co-écrit et co-produit par un Seth Rogen aux coudées si franches qu'il n'a pas hésité à imposer des scènes à son réalisateur (notamment le ride sur fond de Gangsta's Paradise). Prise en étau entre Rogen et Moritz (ça me rappelle une vidéo), qu'allait-il advenir de la mise en image de Gondry qui relève, comme on l'a vu par le passé, bien plus d'une simplicité plastique entre poésie onirique et enfantillages que de l'épate clippesque ? Sans trop de surprise, elle reste sage, illustre proprement les phases de comédie mais échoue dans l'action, malgré la redite de supers ralentis mixés dans un décor partiellement démultiplié (encore et toujours des restes de Let Forever Be). On retrouve donc les caractéristiques d'un Barry Sonnenfeld dont les Men In Black, bien plus que la vague de comics movies actuelle, semblent avoir servi de base de travail à ce rip off tardif (qui dans l'état aurait dû sortir il y a dix ans). Pas vraiment étonnant quand on se souvient que le suédage de MIB était le plus réussi de tout Be Kind Rewind.
La séquence d'introduction du film, qui voit la figurine d'un super-héros voler grâce à la main de son personnage principal enfant et finir la tête arrachée au fond d'une poubelle reflète au final le processus qu'à dû effectuer Gondry pour accepter son rôle de simple exécutant, mettre ses trocs et astuces au placard pour un usinage plus mainstream. Plus adulte. Plus chiant, donc. Regrettable tant l'auteur de Eternal Sunshine sait marier les idées et l'action lorsqu'il a tout latitude : sa pétaradante pub pour Smirnoff démontrait une certaine virtuosité dans le boum boum pan pan et la lisibilité malgré un rythme soutenu. Imaginons ce que The Green Hornet aurait gagné en intérêt si les auteurs avaient su se défaire de la partie qu'ils maîtrisaient le moins (le film devient franchement faiblard sur la fin, lorsque la comédie s'efface derrière les fusillades et destructions). Preuve en est la très décevante résolution de la scène des bétonnières, où une plate explosion vient mettre fin à une situation qui demandait inventivité et prise de risque scénaristique.
L'orientation vers la comédie buddy movie de base aurait pu suffire au projet si les personnages autour des deux larrons avait apporté les condiments nécessaires pour relever le tout et compenser les inévitables baisses de rythme. Hors si Cameron Diaz s'en sort comme elle peut en secouant son boully pour montrer à Hollywood qu'elle peut encore jouer les bonnasses à son âge, Christophe Waltz semble visiblement gêné d'être venu refaire son personnage de badguy attachant de Inglourious Basterds.
En attendant que Gondry trouve sa voie sur des projets aussi ambitieux, et donc dépendants d'un système qui a tendance à toujours maltraiter les auteurs venus du clip (pour un Fincher correctement intégré, combien de Tarsem Sigh, Mark Romanek et Junas Akerlund mis hors circuit malgré un premier long réussi ?), il faut espérer que cette expérience mi-figue mi-raisin ne lui coupe pas l'envie de se lâcher comme il peut le faire occasionnellement dans ce Green Hornet (la fameuse séquence split-screenée où pour une fois le relief sert à quelque chose, mouvant sur l'écran au gré des actions). C'est en imposant son savoir-faire spécifique qu'il imposera sa personnalité.
THE GREEN HORNET
Réalisateur : Michel Gondry
Scénario : Seth Rogen & Evan Goldberg d'après la série de George W. Trendle
Production : Neal H. Moritz, Seth Rogen, Evan Goldberg…
Photo : John Schwartzman
Montage : Michael Tronick
Bande originale : James Newton Howard
Origine : USA
Durée : 1H59
Sortie française : 12 janvier 2011