Inju, La Bête Dans L'Ombre
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- Critique par Nicolas Bonci le 5 septembre 2008
Sôt en auteur
Quelle semaine... Entre un remake de La Fête Des Pères, quelques thrillers flasques pour madame Trichardin, l'habituel Oliveira de rentrée et un opus de Guinea Pig par René Manzor, ne restait plus que ce bon vieux Barbet pour nous sauver la mise. Ou pas.
Alex Fayard (Benoît Magimel) est un jeune auteur à succès reprenant les recettes de son modèle et idole, le fameux Shundei Oe, écrivain japonais de thrillers déviants que jamais personne n'a rencontré. Alex compte bien profiter d'un voyage promotionnel au pays du Levant pour se confronter à son aîné, qui apprécie assez moyennement qu'un blanc bec arrogant le dépasse dans les ventes. Pour mettre la main sur Oe, le français se fera aider par Tamao, belle geiko en prise avec un amant violent…
En adaptant Edogawa Ranpo, rarement à bonne enseigne dans les salles obscures (tout au plus compte-t-on Black Lizard de Fukasaku et Gemini de Tsukamoto), Barbet Schroeder comptait sans doute redonner un peu d'éclat et de relief à sa routinière alternance entre thrillers hollywoodiens et métrages plus "auteuristes". D'où une ouverture en mise en abîme, à la fois hommage et note d'intention d'un film tout en tromperie, dont l'évident classicisme n'est jamais transcendé par un décalage trop frileux dans le traitement du personnage principal, auteur naïf voire benêt incapable de comprendre ce qui va se passer quand le spectateur, lui, devine dès la deuxième bobine tous les événements à venir. Ce qui, vous l'admettrez, le fait moyen pour un expert du polar s'étant fendu d'un mémoire sur le genre. D'autant qu'il ne comprend pas plus quand les événements se passent devant ses yeux : il lui faut une scène de conclusion finale pour lui expliquer ce qu'il n'a pu conclure durant un an derrière les barreaux d'une prison. Bonjour le romancier…
Même si au détour d'une séquence Schroeder nous rappelle à sa fameuse Maîtresse, Inju reste un bel objet vide de substance et d'enjeu. L'auteur de Barfly, pourtant à l'aise dans le genre (Le Mystère Von Bulow, tout de même), semble ici plutôt hésitant dans ses choix et prérogatives, ne sachant comment considérer un sujet demandant un recul sur les codes du thriller, les deux personnages principaux étant censés être des pointures dans le domaine, et donc s'affronter en devançant les coups de l'adversaire. Le personnage de Magimel n'étant absolument jamais à la hauteur, on assiste au plus banal des plans manipulateurs, avec en sus la distanciation due à ce "héros" pris dans les tourments d'une fiction qu'il recherche, pour la subir en tant que témoin hébété et non la vivre.
Quelque part, cela confirme la préférence de Schroeder pour les "méchants" (L'Enjeu, ses documentaires) ; ce n'était peut-être pas une bonne idée, du coup, de laisser celui-ci dans l'ombre.
INJU, LA BETE DANS L'OMBRE
Réalisateur : Barbet Schroeder
Scénario : Eitan Arrusi, Jean-Armand Bougrelle, Frédérique Henri & Barbet Schroeder d'après le roman de Edogawa Ranpo
Production : Saïd Ben Saïd, Vérane Frédiani & Franck Ribière
Photo : Luciano Tovoli
Montage : Luc Barnier
Bande originale : Jorge Arriagada
Origine : France
Durée : 1h45
Sortie française : 3 septembre 2008