Detention

Smells like teen spirit

Affiche Detention

Résumer Detention c’est prendre le risque d’en parler à la manière de l’Anna Karina de Pierrot Le Fou : de façon vague, par expressions éparses.


C'est un trip façon Kaboom (mais en vraiment réussi). C'est du film d'horreur dont les coups de couteau sont l'écho du ghost face de Wes Craven. C'est du teenage movie aux intentions post-John Hugues. C'est une potacherie pour fracassés du bulbe, oui, ceux-là mêmes qui possèdent en leur humble demeure le DVD de Eh Mec ? Elle Est Où Ma Caisse ? tout près de Blow Up et des Fraises Sauvages, mais pas trop loin non plus de John Tucker Must Die. C'est un samedi à la fête foraine d'où subsistent deux choix : être assourdi par l'hystérie totale ou bien s'éclater comme une donzelle de douze ans face à Dirty Dancing. Soit c'est là l’œuvre d'un as, soit celle d'un gros petit malin. Peut-être les deux !

Detention
 

Petit détail significatif pour ouvrir le bal: c'est un film qui est absolument à l'image de son metteur en scène / scénariste. Ultra cool et / ou prétentieux, supra-attachant et / ou trop roublard, insignifiant et / ou franchement pas inintéressant. De là découlent ces petits signes du réalisateur envers lui-même, comme par exemple l'astuce facile : réaliser un superbe bulldozer du nanar (Torque, La Route S'Enflamme) en pensant réellement, durant le tournage, à une possibilité de bon cinéma, et effectuer un joli looping des années plus tard, quand, débarrassé de l'emprise du mastoc Neal H. Moritz, ledit Joseph Kahn raille au détour d'une réplique ce sommet de ridicule dans son deuxième (bon) film. Un petit instant d’opportunisme façon nanar assumé qui est aussi une preuve d’auto-dérision gentille. Dans un sens, comment juger quelqu'un qui décide d'inscrire son nom dans une couche de vomi, étalée dans un urinoir ? Pas bête, l’Aztèque. Et son film de fonctionner avec ce type de cynisme, cynisme qui ne laisse pas pour autant en plan l’implication réelle du spectateur ou le traitement nécessaire des caractères mis en place.

Spécimen redouté d’un cinéma speedé qui cacherait son vide par une abondance d’effets stylisés et de tours de passe-passe à la ni-vu-ni-connu-j’t’embrouille, Detention pulvérise fort heureusement sa condition de film de morveux en déployant un véritable univers pas forcément envisageable dans sa globalité dès la première vision, où tous les artifices actuels (même les lens flares de J.J. Abrams !) s’imbriquent pour ne former qu’un tout, rapide et cohérent. Un ensemble fusionnel qui dans un effet atomique de mixer regroupe autant l’enthousiasme et l’énergie du jeune artiste "qui en veut" que ses imperfections, comme cette sensation (surtout à la première vision) de trop plein.
Kahn fabrique son cinéma "d’art et d’essai" (ainsi qu’il le définit lui-même) par une opulence à tous les niveaux. Ce qui fait de Detention une cour de récré cinématographique où son auteur s’éclate comme un gosse jouant aux billes, livrant un énième prototype de médium méta-textuel où tout explose tel un feu d’artifices : corps, références pop en pagaille, jeux de mise en scène (principalement par le biais d’un montage intelligent), énergie narrative, fourmillement de petites histoires toutes plus non-sensiques les unes que les autres. Une belle partie de jambes en l’air entre l’horreur, le film pour ados, la comédie loufoque et la science-fiction. Et le maître de cérémonie d’asséner tout ça à coups de montage survolté, de scènes punchy ou méditatives, de joutes verbales pleines de clin d’œils (une discussion rappelle parfois Tarantino), au service d’un plaisir cinéphilique où Breakfast Club rencontre Steven Seagal et Road House.

Detention
 

Empruntant certains codes et idées visuelles conceptuelles du Scott Pilgrim d’Edgar Wright (autre melting pot culturel) et autres coups de coude complices à la Kevin Williamson, c’est un dumb movie cinéphage à la note d’intention bien explicite (nous sommes au vingt-et unième siècle, dans l’ère YouTube, mais "the 90’s are the new 80’s"), un projet kamikaze qui risquerait à chaque instant de verser dans le Melrose Place allumé au cynisme Diablo Cody approved.
Ce vaste foutoir expérimental parvient à ne pas se transformer en simple mémoire d’étudiant pour cette bonne et essentielle raison : il y a là un metteur en scène qui sait où doit s’arrêter l’intra-textuel et le maniérisme, surtout par rapport à l’utilisation de ses personnages. Oui, Kahn use de décalages constants : un bully croisé avec La Mouche tabasse à coups de TV un boogeyman sorti d’un dérivé de Saw, une intrigue matinée de Retour Vers le Futur aboutit à une vanne sur la coupe de cheveux de Sharon Stone dans Total Recall, une soucoupe volante sortie d’un Spielberg embarque à son bord un ours qui finira empaillé et "lustré" par une sorte de Neve Campbell djeunz et végétarienne (comme Lisa Simpson).
Mais tel un véritable cinéaste, Kahn est clairement lié aux figures qu’il invente, des personnages auxquels il est attaché et qui par extension deviennent attachants, quoique leurs goûts vestimentaires ou musicaux soient douteux. C’est là la preuve d’une pure sincérité derrière un permanent second degré, l’intégrité d’un conteur qui se remémore encore ses soirées VHS, et qui se décide enfin à tenter un film qui mériterait plusieurs visions (sérieux, quelqu’un a-t-il VRAIMENT tout pigé dès le premier visionnage ?), un petit plaisir parfois aussi gratuit qu’une bonne punchline sortie de Justice Sauvage ou de Terrain Miné, ou aussi touchant qu’un Ferris Bueller (la séquence de rêverie collective), bref, du pur fun mais qui malgré ses airs de gaudriole répond à une certaine logique scénaristique, où tout finit par s’expliquer progressivement malgré un esprit bien out of this world. Le fait d’employer Scream comme référence principale n’est pas innocent (un slasher des années 90 destiné aux ados et empli de décalages) et ne sert pas qu’à un usage bêtement parodique mais s’impose comme une idée parfaitement exploitée. C’est là un exemple, entre autres, de l’intelligence d’un film bien débilos quand il faut.

Detention
 

Et ce sacré Joseph de tout envoyer bouler dans ce monde meta mais tout autant émotionnel, le temps d’une mémorable et grotesque scène à tiroirs où, tel un cancre, il résume en deux minutes le discours de Scream 4 : des étudiants qui, en colle, visionnent le teaser d’un film… dans lequel d’autres étudiants (en colle) visionnent un film piraté… dans lequel… vous avez compris. Evidemment, ce serait oublier les nombreux vomissements, éclaboussures gorasses et autres allusions sexuelles qui éjaculent avec grâce sur le modèle du film pour boutonneux lisse et plat. Le réalisateur de Torque n’oublie jamais de se marrer, comme devant un bon vieux Dumb & Dumber. Car au final il n’est pas seulement question d’excentricités ou d’humour absurde, mais d’un ado attardé impertinent qui met en images avec fluidité son idéal de cinéma (coincé entre Daniel Waters et… les extra-terrestres canadiens ??) en faisant s’épouser des trucs aussi différents que l’impact cartoon de la série Parker Lewis, le synopsis de Three O'Clock High et l’histoire de Freaky Friday et ce dans un cocktail d’idées esthétiques souvent savoureuses (ce travelling circulaire et musical qui est aussi un voyage dans le temps, ce générique de début absolument génial).



Sorte de film générationnel qui est en vérité un chemin de traverse entre plusieurs époques, Detention est un feel good movie péchu, un conte (très, très) détourné où tout se finit (pour les persos, et pour le public) par un sentiment de bien être et d’ordre retrouvé… A moins que ce ne soit que le début d’un tout autre bazar !


8/10 DETENTION
Réalisateur : Joseph Kahn
Scénario : Joseph Kahn & Mark Palermo
Montage : David Blackbum
Production : Richard Weager, Mary Ann Tanedo, Mark Palermo…
Photographie : Christopher Probst
Bande originale : Brain and Melissa
Origine : USA
Durée : 1h33
Sortie française : 8 août 2012 en DTV




   

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